Au milieu du XIIe siècle, Hermann, juif originaire de Cologne converti au christianisme, devient prêtre à Cappenberg et écrit le récit autobiographique de sa conversion. En 1919 dans son ouvrage La défense de Tartuffe, extases, remords, visions, prières, poèmes et méditations d’un juif converti, Max Jacob évoque sous forme de poèmes et de prose les étapes de son évolution spirituelle et ses impressions de néophyte. Deux hommes séparés par sept siècles, deux figures bien connues du changement de religion et, en l’occurrence, du passage du judaïsme au christianisme. Mais les changements, subis ou choisis, de croyances et de pratiques religieuses s’opèrent en tous sens et ne sont pas exempts de retours à la religion originelle. Connaissez-vous Obadiah, moine italien du XIIe siècle, fils d’un noble normand et converti au judaïsme ? Comment passer sous silence l’éloignement de la religion juive de Spinoza au fur et à mesure de sa fréquentation de chrétiens libéraux et de libertins et comprendre son excommunication de sa communauté d’origine ? Pourquoi ne pas évoquer son compagnon d’hérésie, Juan de Prado, qui ne choisit pas de se détacher de l’appartenance à une religion et se convertit d’abord au luthérianisme, puis au calvinisme, enfin au catholicisme ? Qui se souvient de ces franciscains bosniaques convertis à l’Islam dans la Hongrie occupée ? De l’Antiquité à l’époque contemporaine, du rejet des idoles au blasphème, de l’excommunication au silence et à la conversion consentie, de l’inquisition au libre parcours spirituel, l’acte d’abandon de sa religion marque l’histoire d’un individu, d’une famille, d’une communauté. À la trace de ces cheminements singuliers, on conviendra que cet acte marque nécessairement l’histoire de l’humanité.